Histoire de la Duchère et son patrimoine
Fortement marquée par son urbanisation des années 1960, la troisième colline de Lyon possède une histoire et un patrimoine dignes d’intérêt.
Une place forte de la défense lyonnaise
Lieu de passage depuis l’antiquité romaine, la 3e colline de Lyon a été un lieu de défense stratégique au cours des siècles. Au 14e siècle, un château est construit à flanc de coteau sur les hauteurs qui dominent Vaise. Rénové et agrandi plusieurs fois entre le 15e et le 17e siècle, il sera utilisé comme abri ou base de défense lors des conflits des siècles suivants.
Sur le Plateau, l’ancien fort de La Duchère, édifié entre 1844 et 1851 et rappelant les fortifications de Vauban, est aussi un haut lieu du quartier. Maillon de la ceinture défensive de Lyon, destinée au 19e siècle à préserver la ville des attaques étrangères et des brigands rodant dans les campagnes, il inscrit La Duchère parmi les places fortes de la défense lyonnaise.
L’urbanisation du 20e siècle
Principalement occupée, jusqu’au milieu du 20e siècle, par des terres agricoles et boisées, La Duchère entame une métamorphose colossale dans les années 1960. En 1958, Louis Pradel, maire de Lyon, décide la construction d’un « grand ensemble » dans ce quartier du 9e arrondissement, en réponse à une crise aigüe du logement dans l’agglomération. Sous la direction de l’architecte François-Régis Cottin, quelque 5300 logements sortent de terre en cinq ans.
Imaginée autour de 4 secteurs (La Sauvegarde, le Plateau, le Château et Balmont), dotés chacun de commerces, services publics et lieux de culte, La Duchère est à l’époque un emblème de modernité. Cette ville « à l’américaine », dont les grands immeubles offrent la vue et le soleil au milieu des espaces verts, accueille ses premiers habitants en 1962. Venues de tous horizons, des milliers de familles s’installent à La Duchère (en 1970, le quartier compte jusqu’à 20 000 habitants), construisant une identité forte et tissant une vie sociale aujourd’hui encore très riche.
1980 – 2000 : le déclin
Mais le quartier, constitué de 80% de logements locatifs sociaux et de 20% de copropriétés, se fragilise au fil des ans. Depuis les années 1980/1990, La Duchère fait face, comme tous les grands ensembles, à des difficultés : enclavement, inadaptation de son urbanisme aux modes de vie actuels, dévalorisation immobilière, concentration de logements sociaux, perte d’attractivité, fragilisation socioéconomique de la population… De 20 000 Duchérois dans les années 1970, ils ne sont plus que 12 500 en 1999.
C’est pourquoi l’ensemble des acteurs publics décide en 2001 de s’associer autour d’un Grand Projet de Ville, dans l’objectif de mettre en œuvre une politique volontariste de revalorisation globale du quartier.
Un patrimoine à valoriser
Transformer le quartier sans faire table rase du passé, tel est l’enjeu du Grand Projet de Ville. La Duchère possède en effet un patrimoine à préserver et valoriser, témoin de sa riche histoire.
Le Château
De cet édifice du 14e siècle, il ne reste plus aujourd’hui qu’un nom de rue et un lavoir (daté du 16e siècle, probablement le plus vieux de Lyon), rénové dans le cadre du réaménagement du parc du Vallon. On sait toutefois que le Château de La Duchère a accueilli les Lyonnais lors du siège de Lyon en 1793, puis servi de base de défense contre l’invasion autrichienne en 1814. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le propriétaire de l’époque, Henri Lafoy (déclaré « Juste parmi les nations » en 2000), y héberge clandestinement des familles juives pour les sauver de la déportation. Laissé à l’abandon dans les années 1960, il est démoli entre 1973 et 1978 en raison de l’importance des frais de restauration.
Le Fort de Balmont
De forme classique avec ses cinq bastions en étoile, ce Fort construit entre 1844 et 1851 s’intègre dans la première ceinture fortifiée lyonnaise. En 1940, trois cent tirailleurs Sénégalais qui y étaient cantonnés meurent au combat dans la montée de Balmont. Ensuite occupé par la Gestapo, il verra la fusillade de 39 résistants (dont dix des « groupes francs ») dans ses fossés en 1944. Désaffecté en 1957, il sert d’abri provisoire pour les rapatriés d’Algérie en 1962, en attendant la livraison des logements. Il est ensuite déconstruit pour être transformé en pôle sportif – mais des morceaux des bastions qui habillaient les remparts sont toujours présents.
La Tour Panoramique (classée Patrimoine du 20e siècle)
Réalisation de François-Régis Cottin, la Tour Panoramique sort de terre entre 1969 et 1972 afin d’équilibrer les volumes allongés occupant le Plateau. Avec ses 91 mètres de haut et 26 étages – elle est classée Immeuble de Grande Hauteur – elle offre une vue imprenable sur Lyon et les alentours. Avec sa structure en étoile et ses balcons triangulaires, elle fut un temps surnommée la « râpe à fromage » !
L’église du Plateau (classée Patrimoine du 20e siècle)
L’église « Notre-Dame du Monde Entier » fait face à la tour panoramique, avec qui elle partage le même architecte, François-Régis Cottin. Elle a été construite en 1968.
Le Château d’eau (classé Patrimoine du 20e siècle)
Troisième réalisation duchéroise de François-Régis Cottin à avoir été classée Patrimoine du 20e siècle (celle-ci en collaboration avec l’ingénieur Nicolas Esquillan), le Château d’eau a été mis en service en 1967. Il stocke, à 40 mètres de haut, 2000 m3 d’eau potable en provenance de Crépieux-Charmy.
La barre des Érables (classée Patrimoine du 20e siècle)
Conçu par Jean Dubuisson en 1967, l’immeuble des Erables est l’une des plus importantes barres de logements de La Duchère. Son principe constructif sur pilotis dégage au rez-de-chaussée une longue rue intérieure, et les logements traversants offrent des points de vue spectaculaire sur la vallée de la Saône.
L’église de Balmont (classée Patrimoine du 20e siècle)
Abritant aujourd’hui Ciné Duchère, l’église Notre-Dame de Balmont est reconnaissable à sa flèche de béton penchée à 45° et sa structure à demi enterrée. Cette réalisation de Pierre Genton datée de 1963-1965 abrite dans ses murs des pavés alors retirés des rues lyonnaises pour être remplacés par de l’asphalte.
L’art dans la ville
Des œuvres d’art dans le quartier ? Mais oui, au pied des Erables avec les sculptures en acier inoxydable (1967 – Touplas Philolaos) ou encore sur l’esplanade dite « Compas-Raison » au pied de la tour panoramique avec une sculpture-fontaine de Serge Boyer (créée pour la place de la République, elle a été déplacée à La Duchère en 1993 pour y être entièrement recomposée).